Pornographie dès l'école primaire : quelles solutions ?
Les enfants visionnent du porno dès l’âge de 6 ans. Les politiques et les associations s’insurgent, sans trouver de solution. Que peut-on faire pour limiter la casse de nos enfants et leur donner des outils pour mieux grandir?
Sophie de Tarlé, rédactrice en chef du Figaro Étudiant, reçoit chaque semaine trois invités pour discuter d’une problématique éducative. Voici l’interview croisée de:
- Maëlle Challan Belval, de COMITYS
- Thomas Rohmer, de l’OPEN
- Marie Hernandez-Mora, psychologue clinicienne, spécialiste de l’addiction à la pornographie.
Quel est l’ impact de la pornographie chez nos enfants?
[Maëlle Challan Belval] Nous travaillons en éducation affective et sexuelle auprès des enfants et des adolescents, et moi j’exerce ce métier depuis 20 ans. Je l’ai vu, j’ai vu la montée de la « marée noire ». Je l’appelle un peu comme ça. Cela rend les questions de la Boîte à questions un peu poisseuses, en fait. Parfois on est choqué, parfois on peut être aussi un peu saturés. Cela peut produire chez les adultes les mêmes effets que chez les enfants: parfois des effets de dégoût, des effets de surprise, des effets de saturation. On est surtout interpelés par le fait qu’il n’y a pas de regard parallèle posé. Pour un adulte, la pornographie fait partie des représentations de la sexualité qui sont présentes à son esprit, parmi d’autres propositions, et peut-être d’autres expériences de vie qu’il a pu traverser. Pour certains enfants, c’est parfois la première fois qu’ils voient la nudité adulte, des fesses, des sexes d’adultes, d’hommes, de femmes – donc c’est une irruption un peu massive- et c’est la première fois évidemment qu’ils voient des représentations d’actes sexuels dans une variété, parfois une incongruité, une violence, un zoom qui pour nous est une construction -on peut, pour certains d’entre nous, faire la part des choses et comprendre que c’est une fiction- mais un effet n’a pas les outils pour comprendre ça et il prend au premier degré cette représentation pour la représentation de ce qu’est la sexualité adulte. Alors oui, cela peut produire du dégoût et pour certains d’entre eux aussi une fascination, l’un et l’autre étant parfois reliés.
J’ai un peu l’impression que dans nos séances, dans certaines d’entre elles, on a quasi une entreprise de démazoutage à faire, c’est-à-dire qu’on doit un peu nettoyer tout ça, on est obligé de s’y attaquer, avant de pouvoir reparler du respect du corps, avant de pouvoir reparler de la puberté. Il faut avoir parlé de sodomie, d’éjaculation faciale et j’en passe avant de parler des signes de la puberté.
C’est vrai que ce n’est pas toujours facile sur le plan éducatif et pédagogique parce que s’invitent malgré nous et parfois malgré eux des contenus qu’on aimerait pouvoir re-situer dans un contexte plus global.
Les adolescents sont des moteurs de progression pour les adultes
Il y a un dialogue qui n’existe pas. Ce filtre de la parole, ce serait un superbe pare-feu aussi. Il y a les pare-feu techniques mais il y aussi ce lien, la parole, qui peut être avec les parents, avec des adultes de confiance, parfois avec des personnels scolaires qiu sont formés, parfois avec un médecin de famille, une grande cousine… diverses personnes autour de l’enfant qu’il identifie comme étant des personnes de confiance. En fait, il y a du silence.
La pornographie est omniprésente. Elle est mimée, elle est blaguée mais elle n’est pas très réfléchie ni parlée. On a assez peu d’espace pour la penser, pour prendre un petit peu de recul.
Date : 7 Nov 2023
Source : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=fc3nZjf_gpc