Comment parler d’amour aux enfants ?
A quel âge parler d’amour à un enfant? Quelle est la différence entre amour et amitié ? Que faire si des enfants sont attirés par des enfants de même sexe? Qu’est-ce que le coup de foudre ? Un enfant doit-il faire une déclaration d’amour?
Extraits choisis des interventions de Maëlle Challan Belval dans l’émission « Grand Bien vous fasse » d’Ali Rebeihi.
Que dire sur l’orientation sexuelle ?
La question de l’orientation sexuelle nécessite beaucoup de délicatesse et de progressivité. Les enfants que l’on rencontre, les adolescents que l’on rencontre -on en voit à peu près 10000 par an- on les sent très enjoints, très contraints à s’étiqueter et ils vous disent, même dès le CM1 ou le CM2 maintenant : « Mais madame je crois que je suis polyamoureuse ! » « Mais pourquoi donc ? » « En fait parce que je crois que je suis attirée par plusieurs garçons en même temps. » Ou : « Madame, je suis bi ».
Je suis marquée par la pression qu’ils se mettent. Je ne suis pas étonnée de leurs mots parce qu’ils sont baignés dans ces univers, mais je les trouve inquiets d’avoir à choisir et à se déterminer très tôt de manière éternelle. Vous voyez ce que c’est Parcoursup, pour l’orientation professionnelle ? Moi parfois j’ai l’impression qu’il y un Parcoursup de l’amour, un Parcoursup y compris du sexe et ils sont obligés très très vite de faire un choix 1, un choix 2, un choix 3, de se déterminer, et je pense qu’une grande invitation pour les parents, pour les éducateurs, c’est : « Laissez-les aimer ! Laissez-les apprendre à aimer ». Et surtout n’étiquetez pas à leur place. Personne dans la classe n’a le droit de dire : « Celui-là, c’est un pédé ». Il y a un moment où l’un ou l’autre dira cela de lui ou d’elle mais personne dans la classe – parce que celui-ci s’habille comme ci, celle-là se comporte comme ça – personne n’a le droit d’apposer une étiquette, soit sur l’identité de genre de quelqu’un, soit sur son orientation sexuelle. C’est un mouvement qui vient du dedans.
Observer la santé intérieure des enfants
(…) Il est nécessaire d’observer la santé intérieure d’un enfant. Les représentations de l’amour qu’il a, les mouvements intérieurs de son désir, de ses attirances peuvent vraiment l’angoisser quand il n’en voit pas du tout de réalisation possible autour de lui. Cette angoisse peut le mener y compris à des passages à l’acte, que les adultes voient comme des transgressions et punissent, alors que cet enfant peut être malheureux, et se poser des questions : « Suis-je normal ? Ai-je raison d’aimer comme j’aime ? »
Faut-il faire encourager les enfants à faire leur déclaration d’amour ?
On peut choisir. Souvent, les adolescents, les enfants disent : « Est-ce que je DOIS lui dire que je l’aime ? ». « Tu n’es pas forcé. »
C’est vrai que ça peut être une très jolie expérience, et une confrontation à l’autre dans son altérité, mais on a aussi le droit de laisser mûrir en soi un sentiment amoureux ou de multiples sentiments amoureux jusqu’au jour peut-être ou soit ça s’éteint tout seul, soit c’est remplacé par autre chose soit, vraiment, on a envie que ça puisse éclore.
Faut-il demander à un enfant « As-tu un amoureux ? une amoureuse ? »
Je pense que pour les enfants et pour les adolescents ça n’est pas forcément une nécessité qu’on sache, en tant que parents, l’actualité de la vie émotionnelle ou amoureuse de nos enfants. En revanche, il arrive que les enfants parsèment leurs conversations, habilement, de références à une personne, un peu permanente. Au bout d’un certain temps, on finit par dire : « Mais en fait : Tatiana… Tatiana ? Qui est donc Tatiana ? » La fratrie se charge aussi de ce type d’interpellation, ou les amis. Ça n’est pas une nécessité. Encore une fois, avoir son jardin secret est permis, peut être protégé. On peut néanmoins veiller à ce que l’enfant aille bien. Si on le sent très très triste, si on le sent très préoccupé, très distrait, on peut proposer une petite interrogation !
Sonia Chaine, Maëlle Challan Belval, François Lelord, Julie Neveux